Pas grand chose pour l'instant, si ce n'est un exposé que je fis en hypokhâgne sur la franc-maçonnerie au XVIII° siècle. Source d'inspiration ou apoint vaguement culturel, vous pouvez en faire ce que bon vous semble. C'est très universitaire dans la forme, mais telle est la loi de l'exercice.


LA FRANC-MACONNERIE


On peut définir la franc-maçonnerie comme une société secrète initiatique. Société parce que c'est un lieu où des gens s'assemblent, lieu de sociabilité ; secrète parce qu'elle ne s'étale pas au grand jour ; initiatique parce qu'elle prétend emmener l'initié vers une illumination, des degrés symbolisant l'avancement dans cette quête. Surtout du fait du secret, elle a toujours intrigué et fait peur. Déjà au 18° , les contre-révolutionnaires ont accusé la maçonnerie d'avoir comploter pour la chute de la monarchie. Nous allons voir si on peut effectivement imputer cette responsabilité aux maçons. Nous allons donc faire dans une première partie faire un rapide historique de l'ordre sur la période, puis voir s'ils furent des chantres de l'égalité et de la démocratie dans leur organisation, avant enfin d'examiner l'impact qu'ils ont pu avoir sur la période.

1 : HISTORIQUE

Le propre d'un ordre secret est qu'on n'en connaît pas grand chose quand on est profane. Même s'ils ne sont pas des fanatiques du secret, les francs-maçons sont assez discrets sur l?histoire de l'ordre. C'est pourquoi cette partie sera chronologique, faute de pouvoir faire une synthèse concluante.

_ Origine : diverses traditions rattachent les francs-maçons aux maçons des cathédrales, à Hiram le bâtisseur du temple de Salomon ou même à l'ordre du Temple qu'ils devraient venger. Mais ce sont surtout des origines symboliques et non historiques. En fait la maçonnerie serait l'héritière des corporations de métiers du moyen âge qui se seraient transformées en groupes de gentlemen. En tout cas :
_1717 : 4 loges de Londres se réunissent pour former la grande loge. Première manifestation de la maçonnerie telle qu'on la connaît de nos jours.
_1725 : importation de la maçonnerie en France, notamment par le biais des ambassadeurs britanniques.
_1735 : premier texte de réglementation des loges en France
_1737 : interdiction d'association par la police, les Francs-maçons sont cités dans l'arrêté.
_1738 : condamnation papale par la bulle In Eminenti ; on interdit l'absolution sauf à l'article de la mort.
_1745 : le prince de Clermont est élu grand maître de l'ordre.
L?interdiction de s'assembler est renouvelée, mais les maçons ne sont plus cités.
_1758 : conflit entre des loges de la bourgeoisie et d'autres de l'aristocratie.
_1761 : introduction dans une loge lyonnaise des grades de chevalier kadosh et de chevalier rose-croix, puis dans toutes les loges introduction des hauts grades venus d'Ecosse.
_1773 : création du Grand Orient De France.
_1778 : Voltaire est initié.
_1789 : la maçonnerie tombe en désuétude.


2 : EGALITARISME ET DEMOCRATIE ?

En principe, l'égalité règne à l'intérieur des loges. Dès le recrutement, l'égalité doit exister puisqu'on accepte tout le monde. Les constitutions d'Andersen écrites en 1717 lors de la création de la Grande Loge à Londres précisent simplement que l?initié doit avoir une loi morale, c'est à dire qu'il ne soit pas « un athée stupide ni un libertin ». Le Tiers Etat représente 75% des maçons à Paris et 80% en province. On accepte donc des membres originaires de toutes les classes de la cité, comme des boutiquiers, des marchands ou des artisans qui sont par ailleurs rejetés des autres lieux de sociabilité : la franc-maçonnerie donne l'impression de découper à travers la société d'ordres en réunissant dans la même loge des roturiers et des nobles. De même, il est prescrit de se dépouiller dans la loge de l'homme civile pour n'être que maçon. Cet égalitarisme peut se vérifier dans les faits : en 1745, quand le duc de Clermont, prince de sang est élu grand maître, son député est Christophe Jean Baur, un banquier associé de Toulon.
Cet égalitarisme mène à une forme de démocratie, par l'élection des grands maîtres et des maîtres de loges. En 1963 les statuts et règlements pour être ratifiés et observés par la Grande Loge et par toutes les Loges particulières et régulières répandues dans le Royaume sont adoptés et permettent aux maîtres de loges d'élire les officiers de la Grande Loge, et donc aux maçons de province de trouver une place dans le gouvernement de l'ordre.

Mais cet égalitarisme va être tempéré notamment en France. En effet, les maçons français vont rajouter plusieurs textes réglementaires qui vont rendre le recrutement plus sélectif. En 1755, La Respectable Loge de Saint Jean de Jérusalem de l'Orient de Paris (ça en jette, non ?) gouvernée par Louis de Bourbon dresse des statuts pour toutes les loges régulières qui obligent les initiés à avoir reçu le baptême et assister à la messe tous les dimanches. En 1773, le G.O.D.F. recommande de n?accepter que les maîtres artisans et leurs fils, et pas les compagnons et les apprentis. On va aussi augmenter les cotisations et les charges pour décourager les plus pauvres. Sont exclus « ceux qu'un métier vil et mécanique prive de la liberté et de l'aisance indispensable pour participer aux travaux ». En fait, les maçons veulent recevoir des gens qu'ils peuvent fréquenter dans le civil : c'est donc de plus en plus une association d'hommes partageant les mêmes propriétés sociales, un élitisme plutôt qu'un égalitarisme.
L'inégalité à l'intérieur de la maçonnerie peut également se voir dans le conflit qui éclata en 1758 entre la petite bourgeoisie parisienne où se recrutait la plupart des maîtres de loges, catholique, traditionaliste et qui a le pouvoir effectif et l?aristocratie qui veut conserver une certaine prééminence dans les loges. On aboutit alors à deux systèmes de hauts grades, l'un accueillant la bourgeoisie et catholique dans ses références, l'autre l'aristocratie et plus éclectiques dans ses références. On en arrive alors plus ou moins à ce que préconisait Joseph de Maistre, l'égalité mais chacun dans sa loge.

Si les francs-maçons ne sont pas tout à fait les chantres de l'élitisme qu'on décrit d'habitude, on peut donc s'interroger sur leur impact dans la société et dans la chute dans la monarchie.

3 : DE L'IMPACT DES FRANCS MACONS SUR LA SOCIETE D'ANCIEN REGIME.

On l'a vu, les francs-maçons ne professent pas dans la pratique une égalité totale entre eux, ils n'ont donc pas une volonté révolutionnaire, ils ne cherchent pas à déstabiliser le pouvoir. Ils veulent harmoniser le corps social. En 1773, lors de la création du G.O.D.F., ses constitutions précisaient que la condition nécessaire pour réaliser l'égalité était l'amour de la fraternité, dans le respect de la hiérarchie des corps et des métiers de l'ancien régime. Les maçons refusaient d'ailleurs les domestiques pour éviter que dans une même loge et donc à égalité se retrouvent les maîtres et les valets, ce qui auraient occasionné une déstabilisation du corps social. On peut noter qu'ont été élus grand maître, en 1738 le duc d'Antin, en 1745 le duc de Clermont, prince de sang, en 1771 le duc de Chartres, c'est à dire des membres de la très haute aristocratie.
Mais il ne faut pas diminuer leur importance, au moins à cause de leur grande diffusion : on a compté sous Louis XVI 50000 maçons, c'est à dire 1 citadin sur 20. Introduite en France en 1725, on a compté 10 ans après 500 à 600 maçons et plusieurs autres loges. Et tout ça sans une politique volontaire du G.O.D.F.. L'implantation de la franc-maçonnerie a été beaucoup plus importante que toutes les autres sociétés des Lumières, salons ou cabinets de lecture. Son succès vient sûrement pour une part de son appropriation par les exclus des cercles scientifiques et des salons, parce qu'elle est moins exigeante sur le plan intellectuel et sur le plan social.
Pour son implication dans le changement du régime, il faut pour bien comprendre l'action de la franc-maçonnerie distinguer en son sein deux courants. Le premier est contre Lumières et s?organise autour de Joseph de Maistre. C'est un courant qui se tourne vers la foi pour la réunir avec la doctrine religieuse, contrairement au discours de l?Eglise qui semble figé. En cela, ils précèdent l'Aufklarung ( je demande pardon aux germanistes et allemands qui me lisent par milliers) catholique. Au contraire des philosophes des Lumières, ils veulent maintenir une inquiétude de l'au-delà sans l'interdire dans le siècle. Ceci leur vaudra l'indulgence des évêques de France qui trouveront qu'ils sont leurs meilleurs alliés dans le courant des Lumières. C'est surtout sur ce courant que se concentrent les critiques des philosophes, qui par ailleurs refusaient l'existence d'un savoir inexprimable. Le second de ses courants se groupe autour de Mirabeau, qui à partir de 1776 veut faire tendre la franc-maçonnerie vers le bien de l'humanité, thème plus classique des Lumières ( fin du servage, liberté de culte? ). Voltaire est initié avec Benjamin Franklin en 1778 dans la loge des Neufs Soeurs. A la même date, on note l'abandon de l'origine templière, ce qui montre une avancée des rationalistes dans l'ordre.
En fait le rôle de la franc-maçonnerie fut d'éveiller une conscience politique, puisque l'Etat va être jugé sur une loi morale. Ils ont participé comme le reste des Lumières à l'établissement de nouvelles pratiques comme l'association, la discussion publique.S'ils ont changé le régime c'est en formant une nouvelle génération d'hommes politiques sûrs de leurs moyens. Ils ont également aidé à faire évoluer les rapports entre les sexes : les femmes ont pu être en contact avec les Lumières en dehors de chez elles et de leurs salons comme on se le représente habituellement au travers les loges féminines. Ils ont également permis d'édifier un réseau de relations dans toute l'Europe : Casanova a été initié en Hollande alors qu'il était là pour affaires.

CONCLUONS : la franc-maçonnerie au 18° s'inscrit dans le courant des Lumières, et n'est pas plus révolutionnaires que les autres membres de ce courant comme les philosophes. Son retentissement fût particulier par sa grande implantation, son coté occulte qui a beaucoup impressionné et par le fait qu'elle a malgré tout permis de lier et d'assembler des personnes de toute extraction.